Année de diffusion : 2019
Descriptif du documentaire :
Grossophobie, une discrimination méconnue.
Peu connue, la grossophobie est une discrimination qui touche les personnes en surpoids ou obèses. Celles-ci sont critiquées pour leur apparence, et cela se traduit au quotidien par un comportement qui peut aller des remarques désobligeantes et insultantes à un véritable harcèlement. Dans certains cas, la grossophobie commence très jeune, et les conséquences d’un tel comportement peuvent être terribles pour les victimes. Plusieurs personnalités militent à présent pour une meilleure prise de conscience de cette discrimination.
EN SAVOIR PLUS
Grossophobie
La grossophobie peut être subie en même temps que d’autres formes de discriminations : homophobie, racisme…
La grossophobie est un néologisme désignant l’ensemble des attitudes et des comportements hostiles qui stigmatisent et discriminent les personnes grosses, en surpoids ou obèses. Elle a pour origine des préjugés et des stéréotypes négatifs selon lesquels le fait d’être gros est une question de volonté personnelle et que les personnes grosses seraient ainsi les seules responsables de leur surpoids, en négligeant les autres facteurs à l’origine du surpoids.
La grossophobie se traduit par des discriminations dans plusieurs domaines de la vie, comme l’accès à l’emploi, aux soins médicaux, à l’éducation, et affecte également les relations interpersonnelles par le biais de critiques verbales et de microagressions humiliantes. Cette attitude a des répercussions physiques et psychologiques délétères sur les personnes qui en sont victimes : risque de dépression plus élevé, moins bonne estime de soi, augmentation de la probabilité de s’engager dans des troubles du comportement alimentaire, suivi médical défaillant.
Les attitudes grossophobes ne favorisent pas la perte de poids et peuvent au contraire contribuer à accroître l’obésité des personnes touchées. La grossophobie peut être subie par un individu de manière en se conjuguant avec d’autres formes de discriminations : sexisme, racisme, âgisme, validisme…
Éclosion de grossophobie en confinement en 2020
MONTRÉAL — Après la période des fêtes et l’arrivée de l’été, le confinement devient un autre événement favorisant l’expression de gestes et de commentaires grossophobes, notamment sur les médias sociaux
La militante anti-grossophobie Elizabeth Cordeau Rancourt observe des messages grossophobes plus fréquents depuis le confinement. Edith Bernier, conférencière et blogueuse anti-grossophobie, constate que plusieurs se sont sentis plus confortables d’adopter des discours grossophobes sur les médias sociaux puisque leur crainte de prendre du poids, notamment, semblait partagée par un grand nombre d’internautes.
Selon Elizabeth, la période du confinement a créé un « effet de masse » comparable au temps des fêtes ou au mois de mai, où les préoccupations sur le bikini body explosent.
Peur, oppression et méconnaissance
Mais qu’est-ce que la grossophobie? Il s’agit de l’oppression systémique d’un groupe de personnes, à savoir les personnes grosses, sur la base du poids et de l’apparence physique, défini Elizabeth. Edith indique que cela englobe alors tous les comportements et attitudes discriminatoires ou hostiles envers les personnes grosses.
La nutritionniste Andrée-Ann Dufour-Bouchard ajoute que la grossophobie comprend également la peur du gros, de la prise de poids ou d’être gros. Andrée-Ann est aussi cheffe de projet chez Équilibre, un OBNL dont la mission est de favoriser le développement d’une image corporelle positive et l’adoption de saines habitudes de vie. Pour elle, « la grossophobie vient du fait qu’on ne comprend pas ou mal les causes de l’obésité, et on va automatiquement associer le fait que les gens soient gros au fait qu’ils ont de mauvaises habitudes de vie, qu’ils sont paresseux ou manquent de volonté ».
Andrée-Ann explique que plusieurs facteurs, en plus des habitudes de vie, contribuent à déterminer le poids d’une personne, comme la génétique et la relation avec son corps, la nourriture et l’activité physique. La santé a également plusieurs déterminants et « le poids en est un parmi une multitude, ajoute-t-elle. Par exemple, une personne mince qui a une mauvaise alimentation, qui fume et ne bouge pas, qui dort mal et est stressée va être en très mauvaise santé ».
Andrée-Ann rappelle que les impacts négatifs de la grossophobie sont nombreux. « C’est associé à beaucoup de dépressions, d’anxiété et d’une relation plus difficile avec le corps et la nourriture. » La nutritionniste rapporte que la discrimination et les préjugés sont « présents partout »: dans les médias, dans le domaine de la santé ainsi que chez les employeurs ou à l’école.
Edith ajoute qu’il est aussi plus difficile « de développer et maintenir des relations amoureuses saines » et de développer une bonne estime de soi « si on te rappelle constamment qu’on ne veut rien de ton corps ».
Le confinement favorise la crainte d’une prise de poids
Un sondage Léger-Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) a révélé que 34% des Québécois et Québécoises étaient davantage préoccupés à l’égard de leur poids qu’avant la crise. « On se retrouve à la maison, ayant moins accès aux activités qu’on avait l’habitude de faire, comme des activités sportives, tout en étant plus exposés au garde-manger, explique Andrée-Ann. Lorsque les gens ont l’impression de manger plus ou moins bien, et de moins bouger, ils font le raccourci très rapide vers l’idée d’une prise de poids ».
L’ennui, la frustration et la déprime peuvent également mener au « réflexe d’aller vers le frigo, nomme Andrée-Ann. L’idée est alors de s’observer, de s’écouter et d’arriver à un équilibre. Il faut déterminer notre besoin, et ce n’est pas toujours à la nourriture de compenser ». La nutritionniste soutient tout de même que la perfection n’est pas à viser et qu’on « a le droit, des fois, de manger sans avoir faim si on sait que ça nous fera du bien ».
Edith croit que la crainte de prendre du poids démontre que la routine de plusieurs « leur a permis de développer des habitudes alimentaires dans la restriction. S’il y a si peu de contrôle lorsqu’on a accès à la nourriture, c’est que leur relation à la nourriture est moins saine, ou moins zen qu’on pourrait croire ».
La grossophobie sur les médias sociaux nous faisait croire que le pire était de devenir gros. Cela semblait devenir plus grave que d’attraper le virus, de perdre son emploi ou d’avoir un proche malade. C’est quoi ces priorités douteuses? — Edith Bernier
Mme Cordeau Rancourt fait valoir que « la COVID-19 n’a pas échappé à la grossophobie médicale, par exemple lorsqu’il était dit que les gens obèses sont plus à risque de développer des complications du virus. Déjà, je déteste le terme “obèse” ». Cela contribue d’après elle à donner raison aux mêmes grossophobes et à la peur de la prise de poids, par envie de demeurer en santé. « Encore une fois, on se retrouve à faire un tout de la santé et du poids », dénonce-t-elle.
Elle fait remarquer qu’il s’agit aussi d’une source de stress supplémentaire en contexte de pandémie. « D’un côté, on nous dit que l’obésité est un facteur de risque face à la COVID, on nourrit la grossophobie ambiante, mais aussi le poids de la culpabilité et de se croire inadéquat. Parce qu’on peut se dire “C’est de ma faute s’il m’arrive quelque chose, c’est mon corps qui n’est pas correct” ».