Année de diffusion : 2016
Descriptif du documentaire :
“Je suis un vieil homme. J’ai trouvé la relève. Merci !” Par ce télégramme, écrit en 1983 alors qu’il vient de voir le clip de Thriller à la télé, Fred Astaire, 84 ans, salue en son interprète un héritier. Bouleversé, Michael Jackson renverra sans peine l’ascenseur : “Ce que je n’ai jamais cessé d’imiter, dira-t-il, c’est le style de Fred Astaire.” En réalité, si génial soit-il, Astaire fut, sa vie durant, un travailleur acharné.
Né Frederick Austerlitz, en 1899, à Omaha, dans le Nebraska, de parents austro-allemands, le garçon a 4 ans quand, accompagné p ar sa sœur aînée Adele, il suit leur mère à New York. Celle-ci, persuadée de la vocation de ses enfants, est décidée à leur offrir le meilleur enseignement. À l’école Alvienne, cours de danse, de chant et de piano s’enchaînent à un rythme d’enfer. Adele et Fred y tiennent leurs promesses.
À 7 et 5 ans, ils se produisent dans un théâtre du New Jersey, la gamine en jeune mariée dansant avec son frère, en queue-de-pie, sur un gâteau illuminé. L’effet est garanti et le duo écume toutes sortes de scènes à travers le pays. “Nous étions heureux, se souviendra Astaire ; nous faisions ce que nous avions choisi.”
L’adolescence marque un coup d’arrêt, même si, selon sa sœur, Fred “ne cessait de danser et d’inventer des pas”. Jugeant désormais les pointes “trop efféminées” pour lui, le garçon, rebaptisé Astaire, se tourne vers le couple Castle qui est en train de révolutionner la danse. Il reçoit l’influence combinée du jazz et du ragtime, ainsi que celle des danseurs de claquettes noirs, dont il reproduit les mouvements. Initiés également à la valse et au tango, rencontrant George Gershwin, qui souhaite composer pour Fred, le frère et la sœur sont engagés à Broadway, créant une figure bondissante qui les conduit jusqu’à Londres.
Il répète six heures par jour, sept jours sur sept
Là, Adele, conquise par Lord Cavendish, décide de tout plaquer, tandis que Fred, malgré sa passion nouvelle pour le golf, les courses hippiques et son union avec Phyllis Potter, choisit de répondre aux sirènes hollywoodiennes. Si un responsable de studio note : “Ne sait pas jouer. Légèrement chauve. Danse à l’occasion”, le patron de la RKO, David Selznick, voit plus loin : “Il dégage un charme puissant, nuance-t-il, en dépit de ses énormes oreilles et de son vilain menton.” Fred, lui-même, doute de son physique et de l’intérêt de ses numéros dansés. Mais il est rassuré, dès 1933 et son premier film, Carioca.
En une dizaine de comédies musicales, du Danseur du dessus à L’Entreprenant M. Petrov, Astaire transcende des intrigues légères par ses chorégraphies de plus en plus sophistiquées. Dansant et chantant sur des airs de Porter et de Gershwin, accompagné par Ginger Rogers, ex-chorus girl pleine de vitalité, dont le côté un brin vulgaire contrebalance sa grâce aérienne au point de lui donner, selon l’actrice Irene Dunne, “du sex-appeal”, Fred Astaire connaît la gloire, mais sans jamais se reposer sur ses lauriers.
Hanté par le spectre de l’échec, il répète six heures par jour, sept jours sur sept, jusqu’au soir où ses pieds, cherchant le bon rythme et le pas juste, continuent de s’agiter sous ses draps. Disposant d’un droit de regard sur la façon de filmer ses numéros, il réclame des plans séquences sans coupes, qui embrassent le corps du danseur dans sa totalité afin de ne pas en briser le mouvement.
Un élan neuf avec l’arrivée de Gene Kelly
L’après-guerre le voit douter. Son genre de films n’est-il pas dépassé ? Époux et père épanoui et attentif, il revient pourtant à la charge. L’apparition de Gene Kelly, plus terrien, le stimule et, de Mariage royal, où il danse au plafond, à Tous en scène, où il emballe Cyd Charisse, Astaire, même vieilli, enchante les féeries de la MGM. La mort de Phyllis, en 1954, le laisse désemparé.
Abandonnant peu à peu la danse, il se reconvertit dans le drame avec autant d’élégance. Yves Boisset, qui le fait tourner dans Un taxi mauve, se souviendra d'”un homme profondément gentil mais ne supportant ni la bêtise ni la médiocrité, et d’une grande humilité. Les rares fois où il se trompait, il s’emportait contre lui-même avec violence. Toujours soigné et ponctuel, il ne se plaignait jamais.” Ainsi vécut-il ses dernières années, remarié à Robyn Smith, une femme-jockey. Honorant de sa présence les hommages qui lui étaient rendus. Avant de partir, à 87 ans, fidèle à son esprit : sur la pointe des pieds…