Année de diffusion : 2018
Descriptif du documentaire :
L’empire de l’or rouge. A travers l’histoire d’un produit universel, cette solide enquête relate celle d’un capitalisme brutal, sauvage et triomphant.
Après avoir visionné cet étonnant documentaire, votre sauce tomate n’aura sans doute plus tout à fait le même goût. En dégustant cette belle sauce rouge, ce jus appétissant, cette soupe onctueuse, vous pensiez mettre un peu de soleil d’Italie dans votre assiette ? En fait, il y a de fortes probabilités qu’il s’agisse de tomates… chinoises.
Ces dernières alimentent toutes les grandes marques mondiales, Heinz en premier. Et comme jamais l’humanité n’a englouti autant de tomates, les industriels ne lâchent pas l’affaire, conscients des gains énormes que promet le filon. Les Chinois en profitent de plus en plus, les Américains restent dans la course, les Italiens tentent de les suivre.
Pendant deux ans, le journaliste Jean-Baptiste Malet a effectué un tour du monde de la tomate. De Provence en Chine, des Etats-Unis à l’Italie en passant par le Canada et le Ghana, des circuits de production à sa commercialisation et à sa transformation, il en a tiré une solide enquête, L’Empire de l’or rouge, parue chez Fayard (2017).
« L’Empire de l’or rouge », de Jean-Baptiste Malet et Xavier Deleu.
Mise en images par l’expérimenté réalisateur Xavier Deleu, cette enquête offre un passionnant moment de télévision. Car à travers l’histoire d’un produit universel, c’est l’histoire d’un capitalisme brutal, sauvage et triomphant qui se dessine. Avec ses tradeurs richissimes, ses cueilleurs misérables, ses généticiens, ses intermédiaires, ses patrons d’usines peu scrupuleux, l’industrie de la tomate est un business très lucratif. Un marché dans lequel la Chine domine désormais, menant un combat sans merci à l’Italie et aux Etats-Unis.
Ce constat est d’autant plus surprenant que les Chinois consomment très peu de sauce tomate ! Mais grâce aux industriels italiens qui leur ont vendu savoir-faire, technologies et usines à la fin des années 1990, qui les ont aidés à la plantation et à la production, les Chinois sont devenus maîtres en matière d’or rouge. Désormais, le pays le plus peuplé au monde exporte ses conserves à travers la planète. Avec des logos et des marques aux couleurs et consonances italiennes, quelques additifs composés notamment de fibres de soja, le tour est joué.
Avant d’arriver en Chine, la tomate a fait le tour du monde. Depuis sa découverte en Amérique du Sud, elle est arrivée à la cour du roi d’Espagne, au royaume de Naples, avant de s’implanter solidement en Italie. Son industrie s’est aussi développée aux Etats-Unis et dans le sud du Canada. Fondée en 1869, la célèbre H. J. Heinz Company a été rachetée en 2013 par Warren Buffett, deuxième fortune mondiale, pour la somme colossale de 28 milliards de dollars. Depuis, Buffett a fermé cinq usines et supprimé 7 400 emplois.
Ouvriers renvoyés, misérables cueilleurs sous-payés en Afrique, en Chine et même en Italie, l’industrie de la tomate ne fait pas de sentiments. En Afrique, où l’on consomme le plus de concentré par habitant au monde, la guerre entre Chine et Italie fait rage. Au Ghana, les ouvriers locaux sont payés quatre fois moins que leurs collègues chinois.
La Chine a donc délocalisé une partie de sa production là où la main-d’œuvre est la moins chère. Et ainsi de suite. Dans le sud de l’Italie, des migrants réduits en esclavage, parqués dans des hangars, cueillent des tomates dans des conditions éprouvantes et pour une somme dérisoire. La sauce tomate, symbole inattendu d’un capitalisme obscène ? Bon appétit.