Année de diffusion : 2017
Descriptif du documentaire :
Disco Europe Express. En 1978, peu avant d’être récompensé par un disque d’or pour son hit Don’t let me be misunderstood, une reprise de Nina Simone, dans une veine disco-flamenco survitaminée, l’auteur-compositeur et producteur de studio Nicolas Skorsky est suivi à Los Angeles par une caméra de FR3. « C’est la première fois qu’une équipe 100 % française obtient cette récompense aux Etats-Unis », savoure-t-il, au volant d’une limousine blanche, crânement accoudé à la portière.
100 % française, vraiment ? Au micro de ce méga-hit, Leroy Gómez est un Américain exilé en France depuis peu. Mais pour le reste, le parolier de Claude François et de Rémy Bricka dit vrai : il s’agit bien d’un succès français, enregistré au réputé studio des Dames, à Paris.
Premier documentaire consacré au disco européen, Disco Europe express se savoure comme une joyeuse et dansante compilation best of, avec pas moins de vingt tubes égrenés, datant des années 1975 à 1980. Très souvent, leurs interprètes sont afro-américains, nous laissant croire à une production d’outre-Atlantique. « C’est le cas le plus classique, explique le réalisateur, Olivier Monssens, qui a déjà planifié l’écriture d’un livre.
Les chanteurs en photo sur la pochette des maxi vinyles et des 33-tours ne sont pas les véritables auteurs de ces hits, juste les interprètes. Aux yeux du grand public, ils ont effacé les compositeurs, qui sont restés largement méconnus, malgré leurs millions d’exemplaires vendus : à part les fanatiques de la musique et les journalistes, qui lit les crédits artistiques au verso ? »
Le réalisateur confesse s’être retrouvé face à des choix cornéliens. « Puisque son histoire est connue, je n’ai pas gardé au montage le Suisse Patrick Juvet, préférant m’attarder sur les témoignages d’alchimistes de l’ombre comme Harold Faltermeyer et Pete Bellotte, piliers du MusicLand de Munich, ou la paire magique française Slim Pezin-Marc Chantereau. » Ces deux-là, musiciens appointés de la variété, ont aussi plané très haut dans les classements de ventes avec leur échappée disco au sein du groupe Voyage.
Gouailleurs, ils ne boudent pas leur plaisir de se retrouver enfin sous les projecteurs. Et profitent de l’occasion pour se faire justice. « On n’était pas aussi bons que des musiciens de jazz mais on était bons : on savait s’adapter et on travaillait vite, explique Marc Chantereau. Pourtant, aux yeux des programmateurs des stations de radio, on n’était pas des musiciens, mais d’infréquentables “requins de studio”… »
On sait que le disco, héritier du gospel et de la soul, est né au début des années 1970 aux Etats-Unis, à Philadelphie. Mais qui mesure à quel point il est aussi une aventure, une invention même, européenne ? Chez nous, chacun sera probablement capable de citer un morceau du batteur et producteur parisien Cerrone ; on se souviendra des blonds et bien peignés suédois d’Abba ; quelques-uns encore sauront que derrière les tubes phénoménaux des Village People américains se cachent Jacques Morali et Henri Belolo, deux arrangeurs français. Il semble qu’on ait oublié à peu près tous les autres…
Mis à part, bien sûr, l’Italien Giorgio Moroder, génial faiseur des premiers tubes de Donna Summer dans son mythique studio MusicLand de Munich. Lui a eu la chance d’être repêché — à près de 75 ans — par les Daft Punk qui l’ont invité à raconter son parcours de musicien sur leur dernier disque…
Disco Europe express donne aussi la parole à des DJ spécialistes du disco comme l’Américain Tom Moulton, considéré comme l’inventeur du remix, ou le Français Dimitri from Paris, l’un de ses meilleurs défenseurs actuels. Il est bien placé pour nous expliquer pourquoi un morceau renverse sur un dancefloor. « Le truc, glisse-t-il, c’est de jouer des choses qui ne sont pas familières aux gens, mais en essayant de leur faire croire qu’elles le sont. » Avec ce genre de propagandiste roué, le disco ne mourra jamais. Même si le public zappe les noms des alchimistes de studios…