A la conquête du monde – E1 – Fernand de Magellan

Année de diffusion : 2014

Descriptif du documentaire :

A la conquête du monde – E1 – Fernand de Magellan. Le 10 août 1519, cinq navires quittent Séville. La flotte, commandée par le navigateur Portugais Magellan, entame un périple de 85 700 km. L’explorateur est au service du monarque Charles Quint, et entend ouvrir une nouvelle route maritime vers l’ouest ; jusqu’à présent, aucun marin n’y est parvenu.

Magellan, explorateur téméraire, surpasse l’objectif initial de Christophe Colomb, qui cherchait à ouvrir une nouvelle route vers les Indes. Son escadre parvient non seulement à trouver un passage vers le Pacifique, mais accomplit – fait majeur – le premier tour du monde ; au prix toutefois d’immenses pertes. Qu’on en juge : sur les 265 hommes engagés au départ, seuls 18 survécurent à l’expédition.

Les équipages furent décimés par la famine, les maladies (principalement le scorbut – déchaussement des dents) et subirent les aléas du climat : températures extrêmes (alternativement froid polaire et chaleur accablante au gré des latitudes), violentes tempêtes, grêles… Au terme d’une épopée de 1 080 jours, une seule nef – la Victoria – rallia le port d’embarquement originel, dans un piteux état.

A titre de comparaison, le voyage de Colomb dura 70 jours.

Parallèlement, les erreurs cartographiques, les désertions et les mutineries ponctuèrent la traversée. La jalousie de nombreux capitaines espagnols – n’acceptant pas l’autorité d’un Portugais, de surcroît issu de la petite noblesse – poussèrent ces derniers à fomenter maints complots contre lui. Mal leur en prit.

Le chef de l’expédition, intransigeant, réprima brutalement la révolte. En outre, tous les événements ont été soigneusement consignés dans le journal de bord de Antonio Pigafetta – un jeune aristocrate vénitien – devenu chroniqueur officiel de l’expédition ; aucune péripétie n’échappa au regard aiguisé du jeune lieutenant.

Remontons le temps. Le traité de Tordesillas (1494) – approuvé par le pape Alexandre VI – officialisa le partage du Nouveau Monde entre l’Espagne et le Portugal ; un méridien de démarcation délimitait « virtuellement » la frontière entre les deux empires maritimes ibériques. Cependant, l’incertitude régnait concernant les Moluques, ou l’île aux Épices (située dans l’actuelle Indonésie).

A qui revenait-elle de droit ? Sans réponse claire, les deux pays se lancèrent dans une course impitoyable pour le contrôle de la localité ; à cette époque, le quintal de clous de girofle coûte deux ducats aux îles et 100 fois plus une fois acheminé à Paris ou Londres. L’enjeu commercial est immense.

Les préparatifs de l’expédition

Cinq navires – le Trinidad, le San Antonio, le Concepción, le Victoria et le Santiago – sont remis en état pendant un an et demi avant de prendre le large. On y fait embarquer 58 canons, 3 mortiers lourds, 21 380 livres de biscuit marin (soit près de 10 tonnes !) et 5 700 livres de porc salé ; A cela s’ajoutent 417 outres et 253 tonneaux de vin, soit deux rations de vin par homme et par jour pendant… deux ans. Les vivres constituent un rouage essentiel de la pérégrination, mais pas uniquement.

Par ses précédents voyages – sept ans de campagnes militaires en Inde – Magellan remarqua le goût prononcé des indigènes pour les bibelots ; il en choisit donc quelques-uns pour les troquer avec les natifs. 20 000 cloches et clochettes, 400 douzaines de couteaux « made in Germany » (de qualité médiocre), et près de 900 miroirs sont emmenés ; les autochtones découvriront avec stupéfaction leur image pour la première fois de leur vie.

Quant aux équipages, ils sont majoritairement Espagnols, mais comptent également dans leurs rangs une quarantaine d’étrangers (principalement Portugais). Fait surprenant, certains d’entre eux sont directement recrutés en prison ; ainsi le Basque El Cano, ex-bagnard dont le rôle sera capital.

Traversée de l’Atlantique Sud

Onze semaines sont nécessaires à l’escadre pour rallier le continent sud-américain depuis les îles Canaries. L’expérience de Magellan est déterminante.

« Magellan use intelligemment des alizés qui soufflent vers l’ouest, puis de la grande spirale anticyclonique de l’hémisphère austral, qui porte d’abord à l’ouest et enfin au sud-ouest. Il touche la pointe du Brésil. Le 13 décembre, il est au Rio de Janeiro » (Jean Favier, Les grandes découvertes – D’Alexandre à Magellan, Fayard, 1991).

Le premier contact avec les autochtones est encourageant. De fait, les marins sont accueillis chaleureusement. On échange – notamment – des peignes contre des perroquets ; les filles sont peu farouches. Elles n’ont que « leur chevelure pour tout vêtement », selon l’expression de Pigafetta.

Le narrateur note également que « les ananas ressemblent à de grosses pommes de pin mais ont une saveur extraordinaire ». La baie paradisiaque de Rio de Janeiro offre aux hommes un repos inespéré. L’étape dure 13 jours. Seule ombre au tableau : la découverte dans la région de cannibales…

Rio de la Plata

Le 11 janvier 1520, la flotte atteint le Rio de la Plata (actuelle Argentine). Cependant, il ne s’agit que d’un gigantesque estuaire (200 km de long sur 220 km de large) débouchant sur un fleuve. Les marins sont donc contraints de s’enfoncer toujours plus au Sud afin de continuer vers l’ouest ; l’hiver austral s’installe.

Les jours sont écourtés. Alors que la mer se déchaîne, la solitude frappe sournoisement les équipages. Et lorsque les mains gèlent au contact des cordages couverts de glace, Magellan donne l’ordre controversé – mais nécessaire – de diminuer les rations. Les hommes sont accablés.
Seul divertissement brisant fugacement la monotonie quotidienne : la rencontre avec les « géants » ; ces indigènes à la stature imposante dont les « grands pieds » (pata-gao), donnera le nom générique de Patagons aux habitants de la région, et Patagonie à leur terre.

La mutinerie de San Julian

En avril, la décision est prise de passer l’hiver dans la baie de San Julian (eau douce et poissonneuse) – située au 49eme parallèle – pour s’y ravitailler. Les hommes se reposent et découvrent, ébahis, les animaux exotiques qui les entourent : pingouins, lions de mer… Le 2 avril, une mutinerie éclate. Initialement pourtant, il ne s’agit que d’une simple demande d’explication un peu musclée ; avec l’assassinat du maestre Juan de Eloriaga, elle se transforme en rébellion sanglante.

Utilisant la ruse et s’appuyant sur une poignée de fidèles, Magellan lance une contre-offensive foudroyante. Il se réapproprie aisément les trois navires ayant fait défection. Le lendemain, un procès a lieu. Conformément au droit maritime, Magellan est le juge suprême. La sanction est sévère pour les capitaines mutins. Juan de Cartagena (à la tête du San Antonio) – véritable chef de la mutinerie – est abandonné sur le rivage, condamné à une mort lente ; Luiz de Mendoza (commandant le Victoria) est poignardé, puis écartelé.

Quant à Gaspar Quesada (chef du Concepción), il est décapité par son valet de chambre.

Dans le chaos, le San Antonio fait sécession et rejoint l’Espagne. Une fois à terre, son équipage est arrêté et condamné à la prison. Parallèlement, le Santiago part en reconnaissance mais se brise sur les rochers. Il ne reste désormais plus que trois navires pour mener à bien la mission. L’hiver retiendra la flotte de Magellan encore cinq longs mois.

Le Pacifique : un désert d’eau

Le 28 novembre 1520, l’explorateur portugais pénètre enfin le Pacifique (le plus vaste océan de la planète). Il le nomme ainsi après la terrible traversée qu’il endure pour franchir le détroit qui portera son nom ; le « détroit de Magellan » est en réalité un dédale inextricable de voies navigables qui s’étend sur près de 1 000 km. Véritable labyrinthe de baies, de fjords et de canaux dont les étendues terrestres brillent de mille feux la nuit (raison pour laquelle on baptisera cette zone « Tierra de Fuego », Terre de Feu).

Le doute et le découragement rongent les marins. Le scorbut, fléau des navigateurs, fait son apparition ; il transforme les navires en authentiques cimetières ambulants. Dans cette immensité salée, le manque de nourriture fait aussi des ravages :

“Nous ne mangions que des vieux biscuits réduits en poudre et pleins de vers. Nous mangions aussi des peaux de bœuf… et quant aux rats, certains d’entre nous n’en n’avaient pas assez” (Antonio Pigafetta, Le premier tour du monde de Magellan).

Malgré les difficultés, Magellan garde le cap. Il évolue sur une ligne parallèle aux grands axes insulaires et utilise les nouveaux instruments permettant de mesurer la latitude ; l’aiguille aimantée, rapportée de Chine, lui indique la direction du pôle. Le 14 janvier, la flotte distingue pour la première fois un fragment de terre : un îlot boisé, vide d’habitants.

Quelques jours plus tard, une autre île déserte est aperçue ; infestée de requins, celle-ci est surnommée « Tiburones » (Requins).

Le 6 mars, les hommes abordent Guam (archipel des Mariannes) ; à la surprise générale, les indigènes se portent à leur rencontre, mais prennent d’assaut les bateaux et s’adonnent à un pillage. Sept des brigands seront massacrés par la suite. L’île gagne dès lors le surnom sarcastique d’« île des Voleurs ». La traversée du Pacifique durera 100 jours.

Philippines, l’escale mortelle

Le 16 mars 1521, Magellan jette l’ancre aux Philippines. Aussitôt, il se lie d’amitié avec Humabon, le roi de Cebu ; une alliance solide est scellée. Le monarque va jusqu’à se convertir au christianisme. Jean Favier affirme que cette conversion n’est due en réalité qu’à la vague promesse d’une aide militaire contre des rebelles. De fait, le marin ibérique – alors englué dans la politique indigène locale – porte assistance à son nouvel allié.

Débarquant sur la minuscule île de Mactan, il projette d’y affronter Lapu-Lapu, l’ennemi juré de Humabon. Cependant, l’improbable se produit. Le radjah dissident rejette les assaillants occidentaux à la mer. La quarantaine d’hommes lourdement armés (mousquetons et arquebuses) ne fait pas le poids face aux 1 000 (voire 2 000) guerriers du cacique rebelle.

Magellan, qui prend part à la mêlée, est transpercé par une flèche empoisonnée et reçoit plusieurs coups de lance mortels dans le corps ; il disparaît dans l’eau sanglante. Cette mort brutale annonce néanmoins l’accomplissement d’un évènement hors du commun :

« Pour la première fois, un homme avait fait le tour du monde : parti de Sumatra, par l’Inde, le Cap, Lisbonne, par l’Atlantique, la Patagonie, à travers le Pacifique, un homme revenait au foyer de sa race » (L.H. Parias, Les Explorateurs des pharaons à Paul-Emile Victor, Robert Laffont, 2004).

Cet homme n’est pas Magellan, mais son esclave personnel (baptisé Henrique) ; ce Malais avait été acheté quelques années auparavant sur le marché aux esclaves de Malacca. A la mort de son maître, il n’est pas libéré.

Un retour chaotique

Le 6 septembre 1522, El Cano – nouveau chef de l’expédition – réussit l’exploit de ramener le Victoria (seul navire rescapé) à bon port. La caravane solitaire – prise en chasse par les nefs portugaises – rentre laborieusement, mais pleine de 533 quintaux de clous de girofle dans ses cales ; c’est assez pour rembourser les 9 millions de maravédis qu’a coûté l’expédition.

En outre, la sphéricité de la terre est prouvée et le retard d’une journée sur le calendrier démontre l’évidence du mouvement de rotation de la planète. La géographie ptoléméenne – l’unique qui fit autorité pendant tout le Moyen-Age – est progressivement abandonnée. De nos jours, l’odyssée se révèle beaucoup moins périlleuse, et surtout beaucoup moins longue. En 2005, l’américain Steve Fossett boucle un tour du monde (en avion) en… 66 heures seulement.

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