Année de diffusion : 2018
Descriptif du documentaire :
Mort de Bob Marley, toute la Vérité. Le roi du reggae aurait eu 75 ans cette année. Sa destinée unique continue d’inspirer artistes et journalistes. Deux nouvelles biographies proposent une approche inexplorée de l’artiste et de l’homme.
Inutile de recenser les ouvrages qui le concernent. Depuis sa mort, le 11 mai 1981, Bob Marley a tant fait couler d’encre, pour le meilleur et pour le pire, qu’on ne les compte plus. Alors bien sûr, quand deux nouvelles biographies, parues fin 2019, viennent grossir les rayons, on peut s’interroger sur leur pertinence. Mais pas de crainte, il faut lire Bob Marley, un héros universel d’Alexandre Grondeau et Bob Marley, le dernier prophète de Francis Dordor.
Aux antipodes l’une de l’autre dans la manière d’appréhender la star du reggae, ces deux biographies interrogent avec justesse l’aura toujours aussi vivace de l’artiste. Surtout, elles font taire les préjugés et offrent la lecture d’un personnage profond à ceux qui se limitent bêtement à voir en lui un fumeur de joints grattant sa guitare.
DES CHANSONS ÉCRITES CE MATIN MÊME
« En écoutant n’importe quelle de ses chansons, (…) on a l’impression qu’elles ont été écrites ce matin même, qu’elles ne viennent pas du siècle passé mais de notre temps » remarque Francis Dordor. Dans un récit chronologique classique qui fourmille de détails, le journaliste, ancien rédacteur en chef de Best et reporter aux Inrockuptibles, suit pas à pas l’évolution de Robert Nesta Marley, depuis sa petite enfance à Nine Miles, campagne jamaïquaine, jusqu’à sa consécration internationale, en passant par le ghetto de Kingston. En plaçant le lecteur au cœur de cette évolution, il fait de nous les témoins privilégiés de ses galères et de ses succès.
Peu de douceur émaille ce destin pétri par les trahisons (de ses producteurs, des politiques), les conflits (avec Bunny Wailers et Peter Tosh) et les déceptions, si ce n’est les femmes, que le Casanova invétéré aimait à collectionner. Mais surtout Francis Dordor nous livre un décryptage sophistiqué de sa discographie à l’aune de sa carrière et du contexte historique de l’époque. Ancrées dans la réalité jamaïquaine – celle des « sufferers », des gangs, de la faillite et des magouilles politiques – ses chansons n’ont rien perdu de leur dimension panafricaniste et universelle.
D’Exodus à Get Up Stand Up, elles renvoient à des combats certes nés en Jamaïque mais toujours menés à ce jour dans le monde. Et Francis Dordor, qui a rencontré à plusieurs reprises le célèbre rasta, de déplorer la perte de ces repères dans la marchandisation à outrance de celui qui dénonçait les dangers du capitalisme et l’oppression du plus faible.
L’INSTRUMENTALISATION DE L’ICÔNE
Les dérives liées à l’instrumentalisation de l’icône Marley après sa mort, voilà qui intéresse l’essentiel de l’ouvrage d’Alexandre Grondeau, critique musical expert en reggae. A l’inverse de son confrère à la vision minutieuse et microscopique, il appréhende le Tuff Gong, surnom du chanteur, également appellation de son label et de ses studios, de manière macroscopique. Cette approche au grand angle s’appuie sur une enquête fouillée mettant en évidence le décalage total entre l’engagement que représentait l’œuvre de Marley et la récupération qui en a été faite par le business.
Franchisé avec l’accord de sa famille – la société américaine Hilco Consumer Capital a acheté en 2009 la licence d’exploitation mondiale du nom et de l’image du chanteur – Bob Marley est devenu une marque parmi d’autres. Un comble pour celui qui chantait dans Babylon System : « Le système de Babylone est le vampire qui suce le sang des enfants jour après jour (…) Qui trompe les gens sans cesse (…) Qui décerne des diplômes aux voleurs et aux meurtriers » rappelle Alexandre Grondeau. Le journaliste pointe ainsi bon nombre de dévoiements quant à son mysticisme et son usage de la ganja. Une analyse critique et originale qui manquait.