Année de diffusion : 2015
Descriptif du documentaire :
Dawson City est née de la ruée vers l’or, au Canada, non loin du cercle arctique, en 1896. La même année que le cinéma. Et c’est dans son sous-sol gelé que des centaines de bobines de films muets ont été retrouvées, par hasard, en 1978, alors qu’une pelleteuse retournait la terre pour construire une fosse septique… Des coïncidences et des symboles, le film de Bill Morrison en est rempli.
Ce cinéaste expérimental travaille depuis longtemps sur la mémoire, le temps et l’histoire avec des collages de films retrouvés (Decasia, 2002). L’histoire de Dawson représentait donc pour lui une mine. Le cinéma a été pour ces habitants du bout du monde une source d’amusement, leur apportant des nouvelles de la planète. Les pellicules qui arrivaient n’étaient jamais réclamées par les producteurs, leur rapatriement coûtant trop cher. Les bobines, qui s’entassent donc, sont balancées dans la rivière Klondike ou dans la piscine municipale. C’est de là qu’elles surgiront soixante ans plus tard.
Avec des extraits de ces films (dont un court qu’on croyait perdu d’Alice Guy-Blaché), Bill Morrison reconstruit une saga digne de Jack London. Fasciné par la matière même de ces morceaux de cinéma, il a gardé tous les défauts de la pellicule, à moitié rongée par l’eau ou le feu, taches lumineuses aux formes fantomatiques qui créent une étrange fascination, renforcée par la musique hypnotique d’Alex Somers. Fascination due à l’évocation de l’absence, de la disparition et du travail inéluctable du temps. L’essence même du cinéma. — Anne Dessuant